Description
La question nait d'une situation paradoxale : Pourquoi les societes musulmanes d'Afrique du nord-est, pourtant situees au plus pres de l' Arabie, ne sont-elles pas devenues monolingues arabophones, comme par exemple celles du Nord-Soudan ? Comment peut- on expliquer chez les Bedjas, les Sahos, les Afars et les Somalis cette resistance a une assimilation complete ? Les reponses que ce livre propose montrent que l'histoire des pratiques litteraires dans cette partie du Continent est celle d'un partage en complementarite des roles assignes a l'ecriture et a l' oralite; d'une copresence offrant a l'arabe une superiorite incontestee dans tous les domaines extra-communautaires (dont celui de la religion qui reunit les Croyants dans une meme 'Umma') et conservant aux langues ethniques un espace d'expression exclusif. Une rhetorique sur laquelle ne pese pas le soupcon du mensonge explique la place centrale acquise par la poesie qui est partout la forme naturelle et indepassable de la narration historique. Les langues de colonisation ont pu proposer d'autres modes de communication, elles n'ont pas remis en cause le privilege reconnu aux seules langues autochtones de leur anteriorite, donc de leur legitimite. L'ancrage ethique de l'exercice oral explique aussi la difficulte, dans des langues oA' les genres litteraires ont une finalite assignee, de s'ouvrir a la fiction romanesque. Une poesie qui ne ment, un exercice poetique hors du camp convenu de la poesie, sont les traits communs qui font d'une marge du monde arabe et de l'ensemble negro-africain une aire culturelle coherente et specifique. Apres le 'Ginnili, devin, poete et guerrir afar' (1991), 'Des Paroles douces comme la soie' (1995) et 'Poesie traditionnelle des Afars' (1997), ce quatrieme ouvrage paracheve la reconnaissance du domaine litteraire couchitique.