Description
Autrefois, les Karaja sillonnaient le fleuve Araguaia a bord de leurs pirogues afin d'exploiter leur vaste territoire fluviolacustre. Entre autres techniques de peche, ils avaient mis au point celle appelee "pirogue de sable". Il s'agissait, a la saison seche, de fermer de petites anses descendant en pente douce a l'aide de digues de sable creusees dans leur longueur. Les poissons y restaient prisonniers, ceux qui tentaient de s'echapper en sautant retombaient dans la "pirogue". Au fil des siecles, pousses par les vagues successives d'evangelisation et de colonisation du Bresil central, ces Indiens du fleuve ont du se replier et se sedentariser dans l'Ile du Bananal. Desormais rives a leur terre insulaire, ces pecheurs emerites sont comme des poissons pieges dans une grande "pirogue de sable". Leur resistance a l'integration tient aux liens priviligies qu'ils entretiennent avec le milieu aquatique, lieu de leur origine mythique et de repos de leurs morts, source principale de nourriture et sejour des esprits tutelaires qu'ils invitent regulierement sur terre pour assurer la survie de leur monde. L'existence terrestre des Karaja fut le jeu du hasard. Ils se savaient condamnes au changement et a la vie breve en sortant du fleuve. Mais leur veritable identite est cosmique, a la fois celeste et aquatique, et leur perennite culturelle est ainsi assuree. Cet ouvrage est une contribution a une meilleure connaissance de cette societe indigene a travers l'etude de sa cosmogonie, de ses rituels et de son organisation sociale. A chaque niveau d'analyse, une ouverture comparative est operee avec divers groupes voisins, ge-bororo et tupi, en vue de mieux preciser la specifite culturelle des Indiens Karaja, ainsi que leur place au sein du paysage ethnique des basses terres d'Amerique du Sud.